République Fédérale Française

Les 55 Ans de la Ve République

 

4 octobre 1958 – 4 octobre 2013 : la Constitution de la Ve République a fêté le 4 octobre 2013 son 55ème anniversaire. Aucune autre Constitution républicaine française n’aura duré aussi longtemps.

Le régime, d’abord « pseudo-parlementaire », attendra la loi référendaire du 6 novembre 1962 pour prendre, avec l’élection du Président de la République au suffrage universel, sa forme « présidentialiste » définitive.

A noter cependant la réduction de la durée du mandat présidentiel de 7 à 5 ans en septembre 2000, passée presque inaperçue et qui pourtant a profondément changé, une nouvelle fois, la nature du régime de la République, le faisant passer de « présidentialiste » à « quasi-présidentiel ».

Ce que l’on sait moins, c’est que, au moment où les constitutionnalistes de 1958 se sont penchés sur la rédaction de la Constitution, le choix de l’organisation de la nation n’était pas totalement arrêté et que la République aurait pu tout aussi bien prendre une forme fédérale.

Pour nous limiter à la période contemporaine, il y avait eu une proposition de loi relative à la révision du titre VIII de la Constitution de la IVe République présentée quelque 2 ans auparavant, le 7 mars 1956, par les députés Senghor, Aubame, Mamadou Dia, Grunitzky, Henri Guissou, Hubert Maga et Boni Nazi, et ayant pour objet de transformer la République de type unitaire en un Etat fédéral au sein duquel les diverses « possessions » françaises auraient constitué, chacune, un État fédéré de la République.

Cette proposition, qui avait été renvoyée à la Commission du suffrage universel, des lois constitutionnelles, du Règlement et des pétitions, n’a jamais vu le jour, et pour cause. En effet, l’urgence appelait à l’époque à la résolution des désordres et troubles apparus dans cet Outre-mer, déjà (!!!) hétéroclite, au premier rang desquels l’affaire algérienne.

Cependant, cette question du traitement fédéral de l’outre-mer restait présente dans les esprits.

Les travaux préparatoires à la Constitution du 4 octobre 1958, la présentation qu’en a faite Michel DEBRE, et les articles 72 à 88 du texte d’origine lui-même nous apportent un certain nombre d’indications dans les orientations envisagées pour l’outre-mer qui comprenait encore, à cette époque, la plupart des possessions de ce que l’on a coutume d’appeler “l’Empire Colonial Français”.

La Constitution, outre les départements et les territoires d’outre-mer, a prévu de regrouper toutes les autres possessions françaises au sein d’une “Communauté”.

Cependant, l’avant-projet du gouvernement, en écho à la proposition du 7 mars 1956, prévoyait l’institution d’une Fédération. Son examen par le comité de rédaction a dégagé deux grandes tendances: l’une favorable à une fédération et l’autre à une confédération. La distinction entre ces deux formes d’organisation politique peut, de manière simplifiée, se résumer comme suit:

– la fédération est la réunion au sein d’un Etat fédéral d’entités territoriales n’ayant pas la qualité d’Etat au sens international du terme, et disposant chacune de prérogatives plus ou moins larges.

– la confédération est un ensemble d’Etats indépendants qui décident d’exercer en commun un certain nombre de leurs prérogatives. Ceci exige cependant toujours, ou la plupart du temps, l’unanimité dans les décisions.

Mais l’étude approfondie de ces deux hypothèses a conduit le comité de rédaction à penser qu’elles ne répondaient ni l’une ni l’autre aux exigences réelles et à la diversité de l’ensemble français. Les rédacteurs ont en effet pensé, à juste titre, que les populations de ces territoires si disparates ne disposaient pas d’un « éveil » politique suffisant pour exercer démocratiquement leurs prérogatives au sein d’une fédération nationale française. La pratique politique des régimes issus de la décolonisation française leur a malheureusement bien souvent donné raison.

C’est donc de ces réflexions qu’est née la “Communauté”.

Dans son discours du 27 août 1958 devant le Conseil d’Etat, Michel DEBRE distingue:

– les départements d’outre-mer “qui font partie de la République et ne peuvent ni ne doivent la quitter”.

– les territoires d’outre-mer, “fractions isolées de la France, et qui ne peuvent en ancun cas prétendre vivre seules”.

– les autres possessions auxquelles il est proposé d’adhérer à la Communauté:

“La Communauté n’est pas une fédération, … ni davantage une confédération … . La Communauté est donc une construction d’un type nouveau, qui se définit pour une part considérable par le passé commun de la France et de l’Afrique et pour une autre part par un effort pour constituer un ensemble destiné à forger une solidarité politique de tous les participants”.

Cette communauté se définit par des attributions (défense, affaires étrangères, économie et finances, gestion des matières premières stratégiques), et par des institutions communes. Les États qui en font partie jouissent de l’autonomie, mais il n’existe qu’une citoyenneté de la Communauté.

Comme on le voit, la référence à une “tradition” unitaire de la République française a sérieusement du plomb dans l’aile.

CARTE OUTRE-MER 2

On aurait pu imaginer, dans la réflexion qui est menée actuellement, que la Nouvelle Calédonie adhère à cette forme d’organisation qui aurait correspondu assez bien à ce qui est recherché. Malheureusement la loi constitutionnelle n° 95-880 du 4 août 1995 l’a abrogée.

L’article 88 de la Constitution, toujours en vigueur, prévoit des accords d’association:

“La République peut conclure des accords avec des Etats qui désirent s’associer à elle pour développer leurs civilisations”.

C’est sur cet article de la Constitution de la Vème République que certains fondent l’hypothèse d’une Calédonie indépendante associée à la France. Sa rédaction vague, la référence à un simple accord révisable ad nutum, à tout moment, et l’imprécision des termes, n’inspirent guère confiance dans un statut qui serait construit sur une si mauvaise base. Ce serait bâtir notre futur sur du sable.

Il me paraît beaucoup plus intéressant de revenir sur une des options qu’avaient imaginées le Gouvernement et le comité de rédaction de la Constitution de 1958. Il s’agit de la fédération, et en fait, pour lever toute ambiguïté, d’une République Fédérale Française.

Ainsi le projet présenté par « République Fédérale Française » reste d’actualité pour l’outre-mer français. Il est, même, de plus en plus pertinent.

Le passage à une organisation fédérale de la nation vis-à-vis de l’outre-mer sonnerait probablement le glas de cette si longue Constitution de la Ve République.