République Fédérale Française

Particularismes de l’Outre-Mer

On entend souvent des critiques vis-à-vis de la proposition fédéraliste appliquée à l’outre-mer. Ces critiques s’appuient très justement sur la première phrase de l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958:

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale.

La République indivisible

La France est une République indivisible, et à ce titre on ne saurait accepter qu’elle soit démembrée. Si l’on prend cette affirmation au pied de la lettre, toutes les composantes de la nation, toutes les collectivités doivent alors recevoir le même traitement, avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs.

Une adaptation constitutionnelle aux réalités ultramarines

Or la Constitution organise elle-même, dans ses articles 72 à 75, une inégalité de traitement en ce qui concerne les collectivités d’outre-mer. Les articles 73 et 74 y sont consacrés.

Article 73 de la Constitution du 4 octobre 1958

L’article 73, qui concerne les collectivités appartenant, pour faire court, à la sphère des “DOM”, prévoit par exemple qu’elles “peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement“, ce qui est exclu pour toute autre collectivité métropolitaine. Cette possibilité ne s’applique cependant pas à tout ce qui ressortit principalement du domaine des compétences régaliennes.

Article 74 de la Constitution du 4 octobre 1958

L’article 74, qui lui se rapporte, simplement dit, aux “TOM”, va plus loin puisqu’il prévoit que le statut de chaque territoire fixe “les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables” ainsi que “les compétences de cette collectivité“. Or on sait, en particulier, que ces statuts, dans le domaine si essentiel des articles XIII et XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, leur reconnaissent l’autonomie fiscale, ce qui bien entendu apparaît comme une abomination au regard du principe de l’indivisibilité de la République.

Ainsi, dans les faits, cette République si “indivisible” s’accommode-t-elle fort bien, et depuis fort longtemps, de dérogations très profondes à ce principe.

Pertinence de l’adaptation constitutionnelle

Certes, nulle intention de notre part d’aller lui reprocher ce que le pragmatisme et l’intelligence commandent. Car, en effet, il serait ridicule de traiter, au sein de la même nation, d’une part des collectivités réunies dans un ensemble géographique continental unique, avec tout ce que cela comporte de similitudes et de partages historiques, culturels, économiques, sociaux, et d’autre part des communautés insulaires, très éloignées de la Métropole, non seulement en termes de distance, mais également en terme de mode de vie, de mentalité, d’histoire, de langue, d’organisation économique et sociale, etc…

Différences entre territoires ultramarins

Ces sociétés ultramarines se distinguent donc de la Métropole. Elles se distinguent également chacune les unes des autres par leur position géographique, leur environnement, leur histoire, leur démographie, leur langue véhiculaire, bref, par de très nombreuses particularités.

Similitudes profondes entre territoires ultramarins

Cependant, il existe à propos de ces territoires ultramarins des similitudes transversales et communes, moins visibles sans doute que ces particularismes, mais très certainement beaucoup plus puissantes. Pour illustrer cela, j’ai envie de citer un fin connaisseur de la réalité insulaire et calédonienne:

Il semble qu’il y ait entre toutes les îles, si elles ne sont pas des continents, de fortes analogies” (Alain Christnacht, L’œil de Matignon, p. 11, Paris, Éditions du Seuil, 2003). Citant Anne Meistersheim (Anne Meistersheim, Figures de l’île, Ajaccio, DCL, 2001): “… il existe dans toutes … les sociétés insulaires, des traits communs, traits déterminés par la petite taille de l’espace, sa fermeture, par la dimension réduite de la société qui, par exemple, impose aux insulaires une multiplicité de rôles, une vie sociale complexe, mais aussi une solidarité et un lien social très vivant“.

Actualité de la proposition fédéraliste pour l’outre-mer

Ce sont donc sans doute la prise en compte inconsciente de ces réalités ultramarines qui ont conduit l’État unitaire, indivisible et centralisé qu’est la République à adapter ses relations organiques avec l’outre-mer.

Mais cette organisation politique et administrative est ambiguë, et donne souvent à interpréter ce lien comme une survivance de la période coloniale. En outre les populations d’outre-mer réclament une clarification du régime d’autonomie qui leur est octroyé.

Aussi, la proposition d’une fédéralité réservée à l’outre-mer au sein de la République Française qui deviendrait, de facto, une République Fédérale Française, apparaît aujourd’hui de plus en plus justifiée.