L’observateur objectif et attentif de la situation politique dans notre territoire, en particulier de ce qui semble être les prémices d’un refus du résultat des prochains référendums d’autodétermination, ne peut que conclure à l’absurdité indépendantiste en Nouvelle Calédonie. Cette attitude est étonnante car les signataires indépendantistes de l’Accord de Nouméa avaient accepté le principe démocratique, symbolisé par la devise officielle de la Nouvelle Calédonie “Terre de parole, terre de partage“.
Pour rappel, deux articles précédemment publiés sur CaledonianPost ont été consacrés aux corps électoraux:
1 – La situation démocratique interne en Nouvelle Calédonie
1.1 – La composition démographique
(source: Notes et Documents, n° 77, Recensement De La Population De La Nouvelle Calédonie: Principaux Tableaux Du Recensement 1996, Institut Territorial de la Statistique et des Etudes Economiques, novembre 1997, Nouméa)
Le recensement de 1996 peut servir de base à une approche de ce que sera le corps électoral pour le futur référendum d’autodétermination. En effet :
- Il recense la population qui sera en âge de voter à cette occasion.
- Il concerne également le corps électoral des “Citoyens calédoniens” ayant le droit de se prononcer aux référendums.
Il faut partir de l’observation que la revendication indépendantiste est, pour l’essentiel, portée par l’ethnie mélanésienne. Objectivement, le vote indépendantiste est un vote ethnique. En effet, la plupart des partis – monocolores – militant en faveur de l’indépendance prennent pour référence, implicitement ou explicitement, le droit des Kanak, ethnie première occupante du pays, à revendiquer l’accession du pays à la pleine souveraineté: “Front de Libération Nationale Kanak Socialiste” (FLNKS), “Libération Kanak Socialiste” (LKS), Parti de Libération Kanak (Palika), “Union Progressiste Mélanésienne” (UPM), ou encore Front Uni de Libération Kanak (FULK). Quant à l’Union Calédonienne, aujourd’hui monocolore, son slogan “deux couleurs, un seul peuple” n’est plus qu’un lointain souvenir, tous ses anciens membres issus des autres communautés de la société calédonienne l’ayant depuis bien longtemps quittée.
De ce fait, les membres des autres communautés constituant la part majoritaire de la population calédonienne sont invités à suivre et à adhérer à cette revendication d’indépendance kanak.
La part minoritaire de la population qui s’est déclarée “mélanésienne” lors du recensement de 1996 et qui sera en âge de voter lors des referendums d’autodétermination représente 79 024 personnes, soit 45,69% de la population totale des citoyens calédoniens.
1.2 – Le verdict des urnes
Les quatre consultations générales provinciales d’un corps électoral de Citoyens calédoniens dramatiquement restreint par l’application de la condition de près de 20 ans de résidence qui ont été organisées depuis la mise en place de l’Accord de Nouméa ont constamment montré une très forte majorité loyaliste, opposée à 60%-62% à l’indépendance de la Nouvelle Calédonie :
- 1999:
Loyalistes: 61,64% des suffrages
Indépendantistes: 38,36% des suffrages
- 2004:
Loyalistes: 60,04% des suffrages
Indépendantistes: 39,96% des suffrages
- 2009:
Loyalistes: 61,78% des suffrages
Indépendantistes: 38,22% des suffrages
- 2014:
Loyalistes: 58,58% des suffrages
Indépendantistes: 41,42% des suffrages
Le périmètre de l’audience des indépendantistes, aux alentours de 38%-40% de l’électorat restreint, a donc peu changé en 15 ans. L’épisode désastreux des élections provinciales de 2014 où les loyalistes perdent du terrain est lié à l’incroyable cacophonie et rivalité des partis loyalistes, ce qui a entraîné une démobilisation considérable de l’électorat loyaliste. Il s’agit d’une tendance lourde et il n’y a visiblement aucune raison que la répartition des suffrages évolue en faveur des indépendantistes. En effet, au lieu de se consacrer à essayer de convaincre les électeurs loyalistes du bien-fondé de leur proposition d’avenir politique, les dirigeants indépendantistes n’ont cessé, depuis la signature des Accords Matignon, puis de l’Accord de Nouméa , de ne s’adresser qu’à leurs propres troupes (“Recherche sortie Accord de Nouméa désespérément“).
En rapprochant les données démographiques de l’ethnie mélanésienne (45.69%) et les résultats des indépendantistes aux scrutins provinciaux depuis la mise en place de l’Accord de Nouméa (aux alentours de 38%), on constate qu’il y a entre 15% et 20% de la communauté mélanésienne qui ne vote pas pour l’indépendance.
Il apparaît donc clairement que le vote indépendantiste est dans une impasse et que toutes les incantations et les affirmations des tenants de cette solution, inspirées de la méthode Coué, ne changeront rien aux résultats d’un scrutin démocratique. D’aucuns considèrent même que, par rapport aux élections provinciales où les Kanak votent plus facilement en fonction de leurs relations familiales, claniques, tribales, coutumières, culturelles, le scrutin d’autodétermination verrait une libération de ces emprises et un choix de l’électeur kanak plus orienté vers des considérations intégrant des problématiques d’avenir personnel et de leur descendance, mais également communautaire.
2 – La règle démocratique externe
La règle démocratique veut que le choix de la majorité s’impose à la minorité. Quelques exemples éclaireront cette proposition :
- Le Président François Hollande a été élu pour 5 ans par 51,64% des suffrages exprimés, et malgré une cote de popularité au plus bas nul ne met en doute sa légitimité d’exercer la fonction présidentielle.
- L’option de l’indépendance du Québec lors du référendum d’autodétermination du 30 octobre 1995 a été rejetée par 50,58% de tous les électeurs inscrits sans condition de durée d’établissement, soit par 27 144 voix de majorité. Personne n’en conteste le résultat, et la “Belle province” fait toujours partie intégrante de l’État fédéral canadien.
- Le référendum du 18 septembre 2014 sur l’indépendance de l’Écosse a rejeté la solution indépendantiste par 55,3% contre 44,7% d’un corps électoral ouvert à l’extrême puisque tous les résidents, sans condition de durée d’établissement, étaient admis à voter, y compris même les ressortissants des autres pays de l’Union européenne résidant en Écosse. L’Écosse fait donc toujours partie du Royaume-Uni.
- Enfin, une leçon de démocratie vient d’être donnée aux indépendantistes calédoniens par nos voisins fidjiens. Pour information, le recensement de 2007 y dénombrait 475 739 Fidjiens d’origine mélanésienne (56,82 %), 313 798 Fidjiens d’origine indienne (37,48 %) et 47 734 autres personnes (5,7 %) pour un total de 877 271 personnes.
En 1987, deux coups d’État successifs menés par des personnes appartenant à l’ethnie mélanésienne d’origine renversent le gouvernement démocratiquement élu. Ces putschistes n’avaient pas accepté que les urnes aient donné la majorité à la communauté indo-fidjienne immigrée depuis le XIXe siècle dans l’archipel.
La Constitution raciste de 1990 qui s’ensuivit confia le contrôle du pays à l’ethnie mélanésienne. Puis quelques amendements la rendirent plus démocratiquement présentable, ce qui entraîna un troisième coup d’État en 2000, de nouveau en faveur de l’ethnie mélanésienne.
Le chef des forces armées, Frank Bainimarama, chassa les putschistes ayant conduit ce troisième coup d’État et réussit à rétablir l’ordre. Suivirent des élections démocratiques, mais un quatrième coup d’État militaire du 5 décembre 2006, du même Commodore Frank Bainimarama, renversa le gouvernement considéré comme coupable d’avoir attisé les tensions entre les deux principales communautés ethniques. Par ailleurs certains membres du gouvernement avaient tenu des propos racistes et incendiaires à l’encontre des Indo-fidjiens.
Une nouvelle constitution, de nature démocratique, a abrogé les listes électorales ethniques et la répartition des sièges selon des critères ethniques qui polluaient de manière raciste les constitutions précédentes. Cette dernière constitution a été promulguée le 22 août 2013, et les élections générales du 17 septembre 2014 ont donné la majorité absolue (59,2%) au parti Fidji First de Frank Bainimarama.
Cette période d’instabilité fidjienne, pendant laquelle le pays a été exclu du Commonwealth et mis au ban de la communauté internationale (seul le FLNKS rendait les honneurs à ce régime !), et qui s’est conclue par un retour à l’état démocratique, montre que, sauf à s’enfoncer dans la dictature, la seule règle viable dans un territoire où coexistent différentes communautés importantes est de respecter chacune de ces communautés, mais de reconnaître la primauté de la majorité. Les soutiens à la thèse ethnique indépendantiste calédonienne viennent de pays de la Mélanésie – Papouasie Nouvelle Guinée, Iles Salomon, Vanuatu – où ne coexistent pas de significatives communautés ethniques différentes.
Il est vraisemblable qu’après l’évolution démocratique récente de Fidji les indépendantistes calédoniens viennent de perdre le soutien inconditionnel de la nation la plus importante du Pacifique Sud insulaire.
En conséquence, depuis la démocratisation de son régime politique, la République de Fidji a été réintégrée dans le concert des nations du monde et a été de nouveau admise au sein du Commonwealth.
On ne saurait trop recommander aux loyalistes de Nouvelle Calédonie de se rapprocher du nouveau pouvoir fidjien, de lui accorder leur soutien dans son évolution démocratique, et d’établir et partager la similitude de nos deux territoires sur le plan de la coexistence communautaire.
* * *
En regardant ce qui se passe sur la scène internationale on ne peut donc qu’être stupéfait par l’incongruité et l’absurdité des positions des indépendantistes calédoniens.
Pourtant, il existe une solution qui pourrait rapprocher loyalistes et indépendantistes sur cette belle terre de Nouvelle Calédonie: le projet République Fédérale Française.