Objectifs et Espoirs du Festival Mélanésia 2000

Objectifs et espoirs du Festival Mélanésia 2000
(version intégrale de la présentation faite par Jean-Marie TJIBAOU dans la brochure du Festival)

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  “Nous avons voulu ce Festival parce que nous croyons en la possibilité d’échanges plus profonds et plus suivis entre la culture européenne et la culture canaque.

Pour que cette rencontre se réalise, un préalable est nécessaire: la reconnaissance d’une culture par l’autre; la reconnaissance de chacun par l’autre comme un être humain différent mais libre, égal et fraternel. Il s’agit de renaître ensemble à une dimension culturelle nouvelle. Sans cette volonté nous continuerons, dos à dos, notre dialogue de sourd.

  Gagner ce pari du dialogue exige une préparation. Mélanésia 2000 peut en être la première étape.

D’abord comme un vaste inventaire culturel, ce Festival doit nous permettre de faire le point sur notre culture. Ensuite comme une réflexion, nous aider à préciser ce que signifie en 1975 l’art de vivre autochtone pour les hommes de ce temps.

Le groupe Mélanésien doit retrouver sa fierté dans une personnalité culturelle originale que les circonstances historiques du peuplement l’ont amené à renier. Sans cesse, point par point, années après années, les Mélanésiens ont été engagés à adopter une échelle de valeurs nouvelles qui les laisse aujourd’hui sur leur faim. Chaque changement fut un marché de dupe dont la culture Mélanésienne a fait les frais.

Le Festival doit permettre au canaque de se projeter face à lui-même pour qu’il découvre et redéfinisse son identité aujourd’hui.

Le Festival veut être une occasion de retrouver dignité et fierté d’un patrimoine culturel qui fait partie intégrante de la richesse de l’humanité.

Que le canaque redécouvre son identité est la condition de l’avenir. Prise de conscience importante, il s’agit pour le canaque de régler son compte au complexe d’infériorité lié en grande partie à l’insignifiance culturelle à laquelle il a été réduit. Les slogans traditionnels étaient “Canaques, convertissez-vous! Canaques, civilisez-vous!” Le rabotage systématique de tout ce qui faisait sa culture, sa personnalité, a été le prix de cette intégration ratée où il a perdu beaucoup de sa raison de vivre sans en trouver une nouvelle.

Une des conséquences a été la honte de sa personnalité propre et le mépris de lui-même qu’il noie dans l’alcool.

Au nom de la foi et de la “Civilisation” le canaque a dû se renier. Il faut aujourd’hui, parce que les circonstances sont autres, qu’il affirme son droit d’être et d’exister culturellement en Nouvelle Calédonie.

Si je puis me permettre d’écrire cela, c’est parce que je suis convaincu que l’on a fait fausse route, et qu’aujourd’hui, la gloire de la foi et l’honneur de la “Civilisation” seraient d’inviter le canaque à venir au banquet des civilisations, non en mendiant déculturé, mais en homme libre. Sa participation ne peut être que l’affirmation de sa personnalité à travers la possibilité RETROUVEE de s’exprimer dans sa propre culture.

Pour se reconnaître, il faut se connaître.

Le Festival doit permettre au groupe européen ainsi qu’aux autres minorités ethniques du Territoire, de voir, de connaître, et peut-être de reconnaître la culture autochtone. C’est elle en effet, parce qu’autochtone, qui peut donner à la culture du pays la “coloration et la senteur” du terroir calédonien. Mais pour exister pleinement, la culture, comme le monde canaque tout court, a fondamentalement besoin (c’est vital) de cette reconnaissance du monde ambiant. La non-reconnaissance qui crée l’insignifiance et l’absence de dialogue culturel ne peut amener qu’au suicide ou à la révolte.

Nous avons foi en la réalisation de notre Festival. On constate en effet, que parmi les français calédoniens et métropolitains, il existe un courant de pensées qui reconnaît sincèrement que la promotion culturelle autochtone est une des données essentielles du développement harmonieux du Territoire. La manière dont nous avons été accueillis lorsque nous présentions ce projet, l’effort de tous ceux qui ont contribué à sa réalisation renforce notre espérance.

Ce projet qui se veut porteur de l’espoir canaque s’inscrit dans une recherche réelle de dialogue. Nous sommes d’autant plus à l’aise de l’affirmation que nous nous trouvons déjà engagés sur ce chantier de la concertation culturelle.

L’espoir qui sous-tend ce projet est grand… Nous devons ENSEMBLE le réaliser pour l’avenir culturel de notre jeunesse et la santé de notre pays.”

Jean-Marie TJIBAOU

Président du Comité