(D’après les publications et le site www.clipperton.fr du Professeur Christian Jost de l’université de la Polynésie française)
CLIPPERTON
L’île de Clipperton est un atoll isolé du Pacifique Nord-Est. C’est le plus petit territoire terrestre que possède la France aux confins du Pacifique. Clipperton fait partie, avec la Nouvelle Calédonie, la Polynésie Française et les îles Wallis et Futuna, des quatre terres françaises de l’Océan Pacifique.
Présentation générale
Histoire
L’île fut découverte le Vendredi Saint 2 avril 1711 par les Français Michel Dubocage et Mathieu Martin de Chassiron et, commandant respectivement les frégates La Découverte et La Princesse , en route pour la Chine. Dubocage en dressa la première carte. En souvenir de cette journée sainte, l’île fut baptisée “Ile de La Passion“. Le nom de Clipperton lui vient du flibustier, naturaliste anglais, John Clipperton ou Clippington qui, pour certains, croisa au large, pour d’autres, débarqua sur l’île en 1704.
Les Mexicains parlent d’ailleurs encore aujourd’hui de la Isla de La Passion, et certains prétendent que les espagnols avaient découvert l’île bien avant les français, ce qui n’a jamais été attesté.
Ce n’est que le 17 novembre 1858 que le lieutenant de Vaisseau Victor le Coët de Kerwéguen prit possession de l’île au nom de la France. La copie de l’acte de prise de possession fut ensuite déposée auprès du gouvernement des îles Hawaii.
Les Etats-Unis d’Amérique y exploitèrent le guano durant entre 1892 et 1897, puis les Mexicains, d’autorité, s’installèrent sur l’île de 1897 à 1917 et y exploitèrent le phosphate durant une partie de cette période, avant le drame des “Oubliés”). Ce fut la plus longue occupation humaine de Clipperton.
L’appartenance de l’île à la France ayant été contestée par le Mexique, les deux nations convinrent en 1909 d’un règlement du litige par arbitrage qui fut confié à Victor-Emmanuel III, roi d’Italie. La sentence arbitrale, qui ne fut rendue que le 28 janvier 1931, reconnut définitivement les droits de la France sur Clipperton.
Géographie
L’île de Clipperton est située dans l’océan Pacifique Est par 10°18’ Nord et 109°13’ Ouest, à plus de 6.000 km de Tahiti et à 1.300 km des côtes du Mexique. Entourée d’une Zone Economique Exclusive de 435.000 km², l’île est un atoll isolé de forme subcirculaire.
La base de l’atoll est un mont sous-marin qui s’élève de 3000 mètres depuis le plancher océanique. C’est le plus grand récif corallien du Pacifique oriental et le seul au nord de l’équateur. D’après les mesures réalisées par l’expédition Passion 2001 dirigée par C. Jost, ses principales dimensions sont:
- Superficie totale: 8,9 km²
- Superficie des terres émergées: 1,7 km²
- Superficie du lagon intérieur, sans les îlots: 7,2 km²
- Superficie du récif externe: 2,4 km²
- Périmètre extérieur de la couronne: 11,8 km
- Plus grande longueur: 4 km
- Plus grande largeur: 3 km
- Largeur de la couronne: de 40 m au Nord-Est, en diminution, à 360 m au Nord-Ouest.
Le lagon intérieur est fermé et isolé des masses d’eaux océaniques, entouré de la couronne, ou anneau, étroite, sans passes, d’une hauteur de 4 mètres au maximum au-dessus du niveau de la mer. La couronne est constituée de constructions et de débris d’origine corallienne et algaire. Lors des fortes tempêtes, le lagon peut occasionnellement être alimenté, apparemment de plus en plus avec la montée du niveau marin, dans les zones Nord-Est et Sud-Est, là où la couronne est la plus étroite, par des eaux océaniques qui débordent alors dans le lagon. L’atoll est entouré d’un récif extérieur frangeant en platier corallien exposé à marée basse. L’île présente à son extrémité Sud-Est un rocher d’origine volcanique.
La couronne était à l’origine ouverte par deux passes au Nord-Est et au Sud-Est. La couronne s’est naturellement fermée vers 1850, probablement à la suite de tempêtes successives qui ont colmaté les passes. Actuellement, on assiste à un recul du trait de côte au droit de l’ancienne passe Sud-Est, et il est possible que celle-ci se rouvre naturellement d’ici quelques années.
Le “Rocher”, d’une hauteur de 29 mètres, constitue le point culminant de l’île. C’est vraisemblablement un neck, c’est-à-dire un culot de lave qui s’est figée dans le conduit d’une ancienne cheminée dont les flancs ont disparus. L’érosion aura enlevé la partie externe du cône plus tendre ne laissant que ce culot. D’une centaine de mètres dans sa longueur SW-NE, marqué de failles SW-NE et attaqué par les agents d’érosion, notamment la dissolution, le Rocher présente aujourd’hui des blocs effondrés, des cavités, abris sous roche et des couloirs intérieurs qui offrent un bon abri en cas de cyclone.
Le milieu naturel
La biodiversité est très réduite comparée à celle du Pacifique ouest. La flore se limite à des cocotiers peu nombreux et à une végétation herbacée qui a été menacée par la population de crabes. Elle avait été un peu préservée sur les quelques îlots du lagon auxquels les crabes n’avaient pas accès. La dernière expédition scientifique de février/mars 2013 a cependant constatée qu’elle s’est régénérée et occupe aujourd’hui un bon tiers de l’île.
La faune terrestre est très peu diversifiée, limitée à une population impressionnante de crabes rouges (Gecarcinus planatus Stimpson), toutefois en diminution malheureusement, et à la plus grande colonie au monde de fous masqués (Sula dactylatra) dénombrés à 110.000 individus en 1997, 2001 (C. Jost) et confirmé en 2005 (Pittman).
Les différentes missions ont recensé un maximum de 13 espèces d’oiseaux résidants, mais plusieurs espèces migratrices, donc saisonnières, qui peuvent faire monter ce chiffre à environ 40. On y trouve aussi depuis les années 2000 deux à trois cent de rats (Rattus rattus), un reptile (lézard) et une dizaine d’insectes et des arthropodes.
Le lagon, coupé de l’océan, réceptacle de grandes quantités de guano des différentes espèces d’oiseaux, s’est asphyxié. Il ne présente plus de vie aquatique, à l’exception d’algues et de phanérogames capables de se développer dans ce milieu fermé.
Le pourtour de l’île est entièrement colonisé par une dizaine d’espèces de coraux formant un récif frangeant. Le milieu marin au-delà de la frange récifale est peuplé par une abondante population de poissons.
Missions récentes et projets
- Novembre 1997, l’expédition océanographique “SURPACLIP” mexicano-française, dirigée par la Dra Vivianne Solis, à laquelle participa C. Jost;
- Février 2001, mission “Passion 2001″, préparée et dirigée par le Professeur Christian Jost, géographe, de l’Université de la Nouvelle-Calédonie;
- Décembre 2004 à mars 2005, “Mission Clipperton” de l’équipe de Jean-Louis Etienne-7e continent, à laquelle se sont associés une quarantaine de chercheurs du CNRS, de l’EPHE, du Muséum et de l’IRD.
- Février/mars 2013, mission “Passion 2013 – Expédition Clipperton”, dirigée par le Professeur Christian Jost avec Jean Morschel de l’université de la Polynésie française (UPF).
- En projet, une expédition scientifique internationale préparée par Christian Jost et rassemblant une trentaine de chercheurs pour un inventaire de la biodiversité terrestre et marine, une étude de la connectivité des espèces dans l’Est Pacifique et une évaluation de la dynamique côtière face à la montée du niveau marin.
Statut administratif
L’île Clipperton est inscrite au tableau des propriétés domaniales de l’Etat et, après avoir un temps fait partie du domaine privé, est dorénavant classée dans le domaine public depuis l’arrêté interministériel du 18 mars 1986, ce qui signifie en particulier que les juridictions judiciaires compétentes sont celles de Paris. Comme pour les Terres Australes et Antarctiques Françaises, c’est le ministère des outremers qui est responsable de son administration. Cependant, pour tenir compte des distances, c’est le Haut-commissaire de Polynésie Française qui en assure la gestion.
L’île ne fait pas partie de la Polynésie Française.
Si la République Française devait évoluer vers une République Fédérale Fançaise, l’île Clipperton resterait vraisemblablement rattachée directement à la France continentale européenne.
Potentiels
Un certain nombre de projets de développement ont été imaginés mais ont tous été abandonnés.
Cette possession de seulement 9 km² confère à la France une souveraineté sur 435 612 km² de zone marine depuis la création de sa Zone Economique Exclusive (ZEE) en 1978. La Passion n’est plus alors seulement un îlot, mais devient le cinquième territoire français d’outre-mer par son extension et se place au premier rang pour la surface maritime rapportée à la surface terrestre. Or cette zone marine se situe au cœur d’une des régions les plus poissonneuses du monde. Outre les ressources halieutiques, elle pourrait aussi abriter des réserves minières sous forme de nodules polymétalliques qui ont été trouvés en 1997.
La France a procédé le 30 novembre 2010 au dépôt auprès du Secrétariat général des Nations unies des coordonnées des limites extérieures de la ZEE française (y compris du plateau continental) à 200 milles marins autour de Clipperton, comme le prévoit l’article 75 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. La ZEE de La Passion a été mise en exploitation par la France, en août 2005. Une exploitation par des pêcheurs français est donc possible après accord des autorités françaises.
En résumé, Clipperton : Quel intérêt pour la France ?
Selon le Pr Jost:
- Atouts et intérêts de l’île de La Passion
- 435 000km² de ZEE;
- 9 km² dont 2 km² de terres émergés sans habitant;
- ZEE : une des zones les plus riches au monde en thonidés;
- Un lagon profond aux intéressantes possibilités;
- Aire d’atterrissage praticable de 1,2km de long (précautions : vents latéraux, oiseaux nombreux, quelques plaques de sables mou) (pour Cessna, Dornier, ATR, C130);
- Fonds océaniques avec un potentiel de nodules polymétalliques.
- Un potentiel exceptionnel moyennant implantation humaine, aménagement de passes dans la couronne et construction d’infrastructures :
- Classement d’une partie de l’île en réserve de la biosphère et/ou AMP;
- Position stratégique : surveillance, contrôle, suivi (vols spatiaux, routes maritimes,), car elle est la seule terre émergée entre le Mexique et le monde polynésien;
- Un lagon permettant le mouillage abrité de grandes unités de 6m de tirant d’eau s’il était réouvert;
- Piste d’aviation extensible à 1,4km voire 1,5km de long. Amerrissages possibles sur lagon;
- Possibilité de base hauturière, scientifique, militaire, de tourisme d’aventure contrôlé;
- Récupération de redevances de pêche si surveillance de la zone;
- Escale aérienne et maritime;
- Station de surveillance et d’écoute des routes maritimes et aériennes.