(précédemment publié en 2010)
Cet article pourrait tout aussi bien s’intituler: “Pas d’impôt sans représentation“.
La détermination du corps électoral en Nouvelle Calédonie a soulevé nombre de protestations et des recours. J’avais moi-même adressé au Président du Conseil Constitutionnel, au moment où cette institution allait être appelée à se prononcer sur la constitutionnalité des textes de reconnaissance et de mise en œuvre de l’Accord de Nouméa, une lettre attirant son attention sur les dispositions qui m’apparaissaient contraires à l’esprit et à la lettre des textes constituant ce qu’il est convenu d’appeler “le bloc de constitutionnalité” (au sens strict, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, et la Constitution du 4 octobre 1958).
Il ne peut être reproché aux dispositions qui régissent le corps électoral en Nouvelle Calédonie d’avoir exclus des scrutins d’autodétermination les personnes ne présentant pas de liens forts avec le Pays. Il est parfaitement normal, raisonnable, éthique, pour la loi de disposer que ne peuvent s’exprimer sur l’avenir de la Nouvelle Calédonie et influer sur le sens des scrutins organisés à cet effet que les personnes pouvant démontrer par la durée de leur résidence leur attachement au Pays. On retrouve fréquemment, au plan international, ce type de disposition lorsqu’il s’agit de consultations d’autodétermination. On peut argumenter sur la durée de résidence retenue pour avoir le droit de participer au scrutin, non sur son principe.
En revanche, le fait de retenir la même restriction du corps électoral pour les élections ordinaires aux assemblées de province est choquant et ne peut recevoir aucune justification, ni juridique, ni pratique, ni même politique.
Comme je l’avais fait remarquer au Président du Conseil Constitutionnel au moment de l’examen de constitutionnalité de ces textes, le bloc de constitutionnalité s’opposait, en droit, à la déclaration de constitutionnalité d’une telle restriction du corps électoral. En effet, les articles XIII et XIV de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, reprise comme principe constitutionnel fondamental par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et par la Constitution du 4 octobre 1958, imposent que les citoyens doivent, par eux-mêmes ou par l’intermédiaire de leurs élus, constater la nécessité des charges des services publics, consentir à l’impôt et en suivre l’emploi. Ce droit fondamental n’est pas respecté par les textes constitutionnel et législatifs pris pour l’application de l’Accord de Nouméa. On peut noter que cette exigence n’est pas une idée nouvelle au moment de la Révolution Française. Elle était déjà apparue dans les 13 colonies britanniques américaines dès 1750 sous le slogan “No taxation without representation“. Ce slogan No taxation without representation devint plus tard “taxation without representation is tyranny“. Ce slogan fut repris lors de la montée du nationalisme australien (BERNARD, Michel, 1995, Histoire de l’Australie – De 1770 à nos jours, Paris, Edition L’Harmattan, réédition mars 2010).
Force est de constater que le principe sacré rappelé ci-dessus a été bafoué en ce qui concerne la Nouvelle Calédonie. Le corps électoral de Nouvelle Calédonie est inconstitutionnel.
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DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME
ET DU CITOYEN DE 1789
Article XIII
“Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les Citoyens, en raison de leurs facultés.”
Article XIV
“Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.”
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CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TITRE XIII
DISPOSITIONS TRANSITOIRES
RELATIVES À LA NOUVELLE-CALÉDONIE
Article 76
“Les populations de la Nouvelle-Calédonie sont appelées à se prononcer avant le 31 décembre 1998 sur les dispositions de l’accord signé à Nouméa le 5 mai 1998 et publié le 27 mai 1998 au Journal officiel de la République française.
Sont admises à participer au scrutin les personnes remplissant les conditions fixées à l’article 2 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988.
Les mesures nécessaires à l’organisation du scrutin sont prises par décret en Conseil d’État délibéré en Conseil des ministres.”
Article 77
“Après approbation de l’accord lors de la consultation prévue à l’article 76, la loi organique, prise après avis de l’assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie, détermine, pour assurer l’évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations définies par cet accord et selon les modalités nécessaires à sa mise en œuvre :
– les compétences de l’État qui seront transférées, de façon définitive, aux institutions de la Nouvelle-Calédonie, l’échelonnement et les modalités de ces transferts, ainsi que la répartition des charges résultant de ceux-ci ;
– les règles d’organisation et de fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie et notamment les conditions dans lesquelles certaines catégories d’actes de l’assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel ;
– les règles relatives à la citoyenneté, au régime électoral, à l’emploi et au statut civil coutumier ;
– les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur l’accession à la pleine souveraineté.
Les autres mesures nécessaires à la mise en œuvre de l’accord mentionné à l’article 76 sont définies par la loi.
Pour la définition du corps électoral appelé à élire les membres des assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, le tableau auquel se réfèrent l’accord mentionné à l’article 76 et les articles 188 et 189 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est le tableau dressé à l’occasion du scrutin prévu audit article 76 et comprenant les personnes non admises à y participer.”
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Loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie
Chapitre II : Corps électoral et listes électorales
Article 188
I. – Le congrès et les assemblées de province sont élus par un corps électoral composé des électeurs satisfaisant à l’une des conditions suivantes :
a) Remplir les conditions pour être inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie établies en vue de la consultation du 8 novembre 1998 ;
b) Etre inscrits sur le tableau annexe et domiciliés depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l’élection au congrès et aux assemblées de province ;
c) Avoir atteint l’âge de la majorité après le 31 octobre 1998 et soit justifier de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie en 1998, soit avoir eu un de leurs parents remplissant les conditions pour être électeur au scrutin du 8 novembre 1998, soit avoir un de leurs parents inscrit au tableau annexe et justifier d’une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l’élection.
II. – Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne sont pas, pour les personnes qui y étaient antérieurement domiciliées, interruptives du délai pris en considération pour apprécier la condition de domicile.
Article 189
I. – Les électeurs remplissant les conditions fixées à l’article 188 sont inscrits sur la liste électorale spéciale à l’élection du congrès et des assemblées de province. Cette liste est dressée à partir de la liste électorale en vigueur et du tableau annexe des électeurs non admis à participer au scrutin.
II. – Une commission administrative spéciale est chargée dans chaque bureau de vote de l’établissement de la liste électorale spéciale et du tableau annexe des électeurs non admis à participer au scrutin. Elle est composée :
1° D’un magistrat de l’ordre judiciaire désigné par le premier président de la Cour de cassation, président ;
2° Du délégué de l’administration désigné par le haut-commissaire ;
3° Du maire de la commune ou de son représentant ;
4° De deux électeurs de la commune, désignés par le haut-commissaire, après avis du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
En cas de partage des voix au sein de la commission administrative, celle du président est prépondérante.
La commission peut consulter un ou plusieurs représentants de la coutume désignés selon les usages reconnus, ayant leur domicile dans la commune et jouissant de leurs droits électoraux.
La commission est habilitée à procéder ou à faire procéder, par tout officier ou agent de police judiciaire, à toutes investigations utiles.
III. – La commission inscrit sur la liste électorale spéciale, à leur demande, les électeurs remplissant les conditions exigées par l’article 188. Ces personnes produisent tous les éléments de nature à prouver qu’elles remplissent ces conditions.
Elle procède en outre à l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale des personnes âgées de dix-huit ans à la date de clôture des listes électorales et remplissant les mêmes conditions. Elle reçoit à cette fin les informations mentionnées à l’article L. 17-1 du code électoral.
L’électeur qui fait l’objet d’une radiation ou d’un refus d’inscription ou dont l’inscription est contestée est averti sans frais et peut présenter ses observations.
IV. – La liste électorale spéciale et le tableau annexe sont permanents.
Ils font l’objet d’une révision annuelle.
L’élection se fait sur la liste révisée pendant toute l’année qui suit la clôture de la liste.
Lors de la révision de la liste électorale spéciale précédant la tenue d’élections au congrès et aux assemblées de province organisées à leur terme normal au mois de mai, les dispositions de l’article L. 11-1 du code électoral sont applicables aux personnes qui remplissent la condition d’âge entre la clôture définitive de la liste électorale spéciale et la date du scrutin.
Au cas où les élections au congrès et aux assemblées de province sont organisées postérieurement au mois de mai, sont inscrites d’office sur la liste électorale de leur domicile réel les personnes qui remplissent la condition d’âge entre la dernière clôture définitive des listes et la date du scrutin, sous réserve qu’elles répondent aux autres conditions prescrites par la loi.
Quand il a été fait application des dispositions de l’alinéa précédent, la liste électorale complétée en conséquence entre en vigueur à la date de l’élection.
Peuvent être inscrites sur la liste électorale spéciale en dehors des périodes de révision, outre les personnes mentionnées à l’article L. 30 du code électoral, celles qui remplissent en cours d’année les conditions prévues aux b et c du I de l’article 188. Les demandes d’inscription déposées en application du présent alinéa sont, accompagnées des justifications nécessaires, déposées à la mairie ; elles sont transmises à la commission prévue au II qui statue, sauf recours au tribunal de première instance.
Les rectifications à la liste électorale spéciale prévues au présent article sont effectuées sans délai, nonobstant la clôture de la période de révision par la commission prévue au II. Elles pourront être contestées devant le tribunal de première instance qui statue conformément aux dispositions de l’article L. 25 du code électoral.
V. – La liste électorale spéciale et le tableau annexe sont mis à jour au plus tard le 30 avril de chaque année et, en cas de dissolution ou d’élection partielles, au plus tard dix jours avant la date du scrutin.
VI. – Les dispositions du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code électoral, à l’exception des articles L. 11 à L. 16, des deuxième à dernier alinéas de l’article L. 17, et des articles L. 17-1, L. 23, L. 37 et L. 40 sont applicables pour l’établissement de la liste électorale spéciale prévue au I.
Pour l’application de ces dispositions, il y a lieu de lire :
1° ” Haut-commissaire ” au lieu de : ” préfet ” ;
2° ” Chef de subdivision administrative ” au lieu de :
” sous-préfet ” ;
3° ” Tribunal de première instance ” au lieu de : ” tribunal d’instance “.
VII. – L’Institut territorial de la statistique et des études économiques tient un fichier général des électeurs inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie pour l’élection du Président de la République, des députés à l’Assemblée nationale, des conseils municipaux et du Parlement européen et pour les référendums ; ce fichier comporte également les électeurs inscrits sur la liste électorale spéciale à l’élection du congrès et des assemblées de province.
Pour l’exercice de ces attributions, l’Institut territorial de la statistique et des études économiques agit pour le compte de l’Etat et est placé sous l’autorité du haut-commissaire de la République.
Une convention entre l’Etat et la Nouvelle-Calédonie fixe les modalités d’application du présent article, dans les conditions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.