Alain Christnacht est grand connaisseur de la question calédonienne pour y avoir été Secrétaire Général et Haut-commissaire de la République, pour avoir été Conseiller du Premier ministre pour les questions de l’outre-mer, et enfin, et peut-être surtout, pour être co-rédacteur de l’Accord de Nouméa.
Alain Christnacht
Lors d’une conférence publique donnée le 11 mars 2011 à l’auditorium de l’IRD à Nouméa il a présenté 3 scenarii envisageables pour l’avenir de la Nouvelle Calédonie après mai 2014. Il a cependant insisté sur le fait que, selon lui, il fallait à présent trouver une solution définitive à l’avenir calédonien.
La nécessité d’une solution définitive pour l’avenir de la Nouvelle Calédonie
“Par deux fois, des solutions ont été trouvées. D’où l’on venait, c’était presque miraculeux. Mais ces solutions sont partielles et provisoires”… En 1988 comme en 1998, l’entente “s’est faite sur le report de la question cruciale : celle des rapports avec la France. On s’est entendu sur presque tout, sauf sur l’essentiel”… “L’objectif me semble devoir être de trouver une solution définitive”, parce qu’éluder régulièrement la question fondamentale de l’avenir institutionnel “finit par apparaître comme un procédé dilatoire… créateur d’incertitudes et de stress”.
La question référendaire relative à l’indépendance de la Nouvelle Calédonie
Alain Christnacht a détaillé la manière dont devrait être posée la question soumise à referendum. Il a précisé qu’en cas de rejet de la solution indépendantiste à une première consultation entre 2014 et 2018, la même question serait posée une seconde fois et, en cas de second rejet, une troisième fois. Après un troisième rejet éventuel, les signataires devraient se réunir pour savoir ce qu’il y a lieu de faire.
En insistant sur ce processus itératif, il a fait apparaitre que l’Accord de Nouméa avait intégré une évolution probable des orientations politiques de la population en faveur de l’indépendance. Cette anticipation des rédacteurs de l’Accord a été démentie de manière cinglante par les résultats des élections provinciale de 1999, 2004 et 2009. En effet, la supposée dérive “probable” du vote loyaliste vers la solution indépendantiste ne s’est pas produite, loin s’en faut.
Le conférencier a considéré que, en respectant l’état actuel de l’accord, on pourrait poser diversement la question référendaire, notamment en l’agrémentant de perspectives relatives aux liens avec la République. Par ailleurs il a reconnu que le maintien prolongé de l’éviction des nationaux français des scrutins locaux posait problème: “Des nationaux ne peuvent durablement être privés d’un droit de vote local”.
Les trois scénarii calédoniens d’Alain Christnacht
Trois scenarii sont imaginés pour l’après-2014:
• Premier scenario : accession à l’indépendance, soit totale, soit avec délégation à la France de certaines compétences. La forme et le contenu de la solution de pleine souveraineté avec délégation de compétences, qui reprend en fait la proposition d’Etat associé formulée antérieurement par Edgar Pisani, ne parait pas réaliste. En effet, cette délégation de compétences, consentie par un Etat indépendant, pourrait être révoquée ad nutum et ne plus assurer la garantie qu’elle était sensée apporter à l’origine à la partie loyaliste du corps électoral.
• Second scénario : maintien de la Nouvelle Calédonie dans la République, “au-delà de l’accord de Nouméa, définissant une citoyenneté stable et laissant à la Nouvelle-Calédonie un large pouvoir d’auto-organisation… Dans une solution de maintien dans la République, sur un modèle fédéral accentué, il est tout à fait concevable que, sur la base de quelques principes posés au niveau national, l’essentiel de l’organisation institutionnelle […] soit fixé par le Congrès de la Nouvelle Calédonie”.
Ce second scenario est représenté par le projet de République Fédérale Française.
• Troisième scénario : l’option indépendantiste ne recueille pas de majorité à aucune des trois consultations prévues, ce qui parait inéluctable compte tenu des données statistiques dont nous disposons. Si aucun accord n’est trouvé, et si les partisans de l’indépendance n’acceptent pas le verdict des urnes, cette situation ouvrira la voie à la partition de la Nouvelle Calédonie.
Recherche Sortie Accord De Nouméa Désespérément
Devant cette situation incertaine, qu’un referendum-couperet ne peut résoudre, une grande partie de la classe politique calédonienne semble embarrassée. Une partie des partisans de l’indépendance adopte la méthode Coué et ignore les données statistiques lourdement défavorables. D’autres indépendantistes essaient de ne pas en parler et adoptent un langage ambigu. Seule une grande partie des loyalistes tente des rapprochements avec le “camp d’en face” et jouent l’ouverture et le réalisme. Finalement cette situation pourrait se résumer par “Recherche Sortie Accord De Nouméa Désespérément“.