NOUVELLE CALEDONIE : FUTURS CORPS ELECTORAL ET CITOYENNETE

NOUVELLE CALEDONIE : FUTURS CORPS ELECTORAL ET CITOYENNETE

Les rencontres en bilatérales entre Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer et les deux camps opposés indépendantistes et loyalistes calédoniens se succèdent. Les dernières rencontres en date ont eu lieu au cours du déplacement du ministre en Nouvelle Calédonie entre le 1er et le 4 juin 2023. Pendant ce séjour le ministre a entre autre indiqué que, conformément d’ailleurs à la Constitution de la République française, mais également à la Charte de l’ONU signée par la France, le droit d’autodétermination serait maintenu mais que, pour éviter une constante remise en cause du statut calédonien qui entame la confiance que l’on peut avoir dans l’avenir du territoire, son exercice, dont les conditions techniques restent à définir, serait ouvert “dans une à deux générations“, soit 25 ou 50 ans.

A cette occasion les indépendantistes du FLNKS, bien qu’ils restent cramponnés à leur revendication d’indépendance qu’ils souhaitent négocier directement avec l’Etat, en ignorant superbement les résultats des trois consultations d’autodétermination qui ont systématiquement rejeté le projet d’indépendance de la Nouvelle Calédonie, ont cependant accepté de discuter de la composition du corps électoral, du temps de résidence et de la citoyenneté.

Sous réserve d’éventuelles clarifications, il semble que l’élément central de la donne électorale de l’après-Accord de Nouméa serait la citoyenneté.

L’Etat est “dans les cordes”

Bien qu’ils maintiennent leur revendication et qu’ils aient refusé de faire toute proposition, les indépendantistes ont demandé à l’Etat de “faire des propositions“, ce qui laisse supposer que certains d’entre eux seraient prêts à les écouter.

Les loyalistes, pour certains, ont fait des propositions relatives à l’organisation interne de la Nouvelle Calédonie (rapports entre collectivités calédoniennes), mais aucun ne s’est aventuré ne serait-ce qu’à suggérer une forme d’organisation des rapports République-Calédonie, comptant, comme leurs adversaires politiques, sur l’Etat pour faire des propositions.

L’Etat se retrouve donc “dans les cordes” et contraint d’inventer un schéma d’organisation des rapports entre la Nation et la Nouvelle Calédonie. Et le temps des Accords Matignon et de Nouméa est passé.

L’Etat ne peut reproduire les schémas d’organisation antérieurs à ces Accords. En outre, s’il veut avoir une chance d’avoir l’oreille des indépendantistes, l’Etat doit absolument créer une rupture significative. Ce saut qualitatif ne peut que consister en une orientation fédéraliste. Et il est impératif de nommément verbaliser ce passage au fédéralisme en tant que tel  pour que chacun apprécie l’ampleur du changement des rapports de la Nouvelle Calédonie avec la Nation.

Nous sommes tous bien conscients que cette option fédéraliste est une gageure, tant est ancrée – faussement – dans les mentalités la pseudo-tradition unitariste de la nation. Unité et indivisibilité. Si l’Etat devait prendre conscience et se convaincre que le chemin fédéraliste est la seule option d’avenir, il lui faudra adopter une démarche pragmatique, qui doit être engagée stratégiquement pour la Nouvelle Calédonie, et qui pourra ensuite être ouverte, après consultations des populations intéressées, aux autres collectivités, départements et régions d’outre-mer.

La position du Projet “REPUBLIQUE FEDERALE FRANCAISE”

Le Projet “REPUBLIQUE FEDERALE FRANCAISE” (RFF) considère les perspectives ouvertes relatives à la citoyenneté sont acceptables dans le cadre d’une orientation vers un statut d’Etat fédéré – “Etat“, “Province“, “Pays“, “Territoire“, … Elles sont conformes à ce qui peut constituer la nature et le périmètre d’une entité fédérée.

Les Citoyens calédoniens

RFF considère que la citoyenneté calédonienne, sous réserve d’une inscription, selon le droit commun, sur la liste électorale d’une commune de Nouvelle Calédonie devrait concerner les 3 catégories suivantes :

Catégorie 1

La citoyenneté calédonienne devrait être conservée de manière permanente pour tout Français qui a eu cette qualité sous le régime des Accords Matignon et de Nouméa;

Catégorie 2

La citoyenneté calédonienne devrait être de droit et conservée de manière permanente pour tous les Français natifs calédoniens et leurs famille directe (conjoints et enfants);

Catégorie 3

La citoyenneté calédonienne devrait être attribuée aux Français résidant en Nouvelle Calédonie et ne faisant pas partie des 2 catégories ci-dessus, en fonction de la durée de leur installation sur le territoire.

La durée de résidence

Toutes les parties en présence s’accordent sur la condition d’une résidence d’une certaine durée. Les indépendantistes proposent 10 ans de résidence. Le ministre suggère 7 ans. Les loyalistes proposent 3 ans.

La question sous-jacente concerne la durée de résidence à partir de laquelle on considère qu’il y a “établissement” en Nouvelle Calédonie, c’est-à-dire une durée de résidence de personnes qui ne s’y trouvent pas uniquement pour des raisons liées à leur emploi.

L’archétype de ces résidents temporaires est le fonctionnaire de l’Etat qui ne réside sur le territoire qu’en vertu d’une affectation professionnelle. Il faut savoir qu’un agent de l’Etat peut être affecté en Nouvelle Calédonie pour une durée de 2 ans maximum, renouvelable une seule fois soit, en prenant en compte le congé intermédiaire, une durée d’un peu plus de 4 ans.

En fixant à 5 ans la durée de résidence minimum pour acquérir la qualité de citoyen calédonien on éliminerait de la liste des citoyens ce type de résidents temporaires, qui continueraient cependant à voter aux élections d’échelon national : européennes, présidentielles, législatives, municipales.

Aux yeux du projet RFF cette durée de résidence ne concerne que les Français de la troisième catégorie de citoyens ci-dessus.

Le projet RFF propose donc de fixer à 5 ans la durée de résidence sur le territoire permettant aux Français de cette catégorie d’acquérir la citoyenneté calédonienne.

La citoyenneté

A cette citoyenneté seraient attachés un certain nombre de droits, et notamment celui d’être inscrit sur les listes électorales pour les élections provinciales et pour l’éventuelle future consultation d’autodétermination dans 25 ou 50 ans. Cela devrait également être une condition d’éligibilité aux assemblées de province, de nomination au gouvernement, d’accès aux fonctions publiques calédoniennes.

Mais on peut très bien concevoir que la citoyenneté calédonienne ouvrirait d’autres droits – et devoirs – à leurs titulaires. On pense notamment à l’emploi local. Mais on pourrait étendre le champ de cette conditionnalité à de nombreux domaines, telle l’accession à la propriété résidentielle existante pour les citoyens calédoniens, les non-citoyens n’étant alors autorisés qu’à acheter du résidentiel neuf, comme c’est le cas en Australie ou en Nouvelle Zélande.